VERT, la couleur de la nature, de la forêt, des prairies et des haies et par extension la couleur de l’environnement, des écolos… des produits bio… et ainsi de suite. Mais je n’essaie pas de vous parler engagement politique ou marketing, non, j’essaie en fait d’attirer votre attention sur une plante rencontrée un jour de printemps sous les peupliers bordant un ruisseau. Cette plante a eu le toupet de se présenter à moi sans aucune trace de vert. Oui, oui, madame ne porte pas le vert, elle préfère le violet, peu lui importe que toutes ses cousines du monde végétal soit parées de vert et le portent comme une bannière !
Ce qui m’amène à la question : pourquoi les plantes sont-elles vertes ? Ce pigment vert que l’on retrouve partout dans le monde végétal, c’est la chlorophylle. Il absorbe l’énergie lumineuse du soleil pour la convertir en énergie chimique. Cela permet la fabrication de matière organique à partir de l’eau et du CO2 également absorbés par la plante. C’est la photosynthèse, un processus indispensable à la vie des végétaux !
Alors comment fait-elle cette plante qui forme des tapis violets sous les arbres, pour vivre sans photosynthèse ? D’abord, elle s’appelle la Lathrée clandestine (Lathraea clandestina), mystérieux non ?
Alors ? Une idée ?
Si elle ne produit pas elle-même son énergie et sa matière organique, alors c’est qu’elle la pompe chez un autre organisme. Oui, nous avons bien affaire à une plante parasite. Mais pas de panique, parasite ne veut pas toujours dire néfaste ou dévastateur, dans ce cas, ça veut juste dire qu’elle se sert chez un arbre principalement au moment où il peut se montrer le plus généreux : à la montée de sève !
De généreux peupliers, donc, ont permis la floraison de cette « clandestine ». La Lathrée n’a ni feuilles, ni tiges, seulement des fleurs qui émergent (comme par hasard au moment de la montée de sève des arbres, de mars à mai). Mais, surtout, elle possède un appareil racinaire souvent très développé équipé de suçoirs capable d’atteindre les vaisseaux conducteurs au sein des racines des arbres ! Les fleurs visibles pendant quelques semaines au printemps ne sont pour ainsi dire que la partie émergée de l’iceberg…
Seulement la pointe de l’iceberg ? Oui, mais elles sont tout de même d’une grande utilité ces fleurs, puisqu’elles permettent la reproduction de la plante. Le pollen (gamètes mâles) produit par les anthères (partie terminale des étamines1) peut rentrer en contact avec le style (organe femelle) au sein d’une même fleur et conduire à une autofécondation2 : on dira alors que la Lathrée est autogame3. Elle est également entomogame4 c’est-à-dire que la pollinisation (le transport du pollen) peut se faire par des insectes. C’est ce que j’ai pu observer en ce mois d’avril : différentes espèces de bourdons s’affairaient autour des fleurs et se glissaient à l’intérieur.
Une fois fécondées, ces fleurs vont progressivement former des fruits, sortes de capsules aplaties capables de projeter les graines autour à maturité. La manière dont les graines sont disséminées porte un nom selon que cela se fait sous l’action du vent (anémochore), d’animaux (zoochore), de l’eau (hydrochore), de la gravité (barochore), etc… J’ai donc cherché à savoir ce qui permet à la Lathrée clandestine de disséminer ses graines, mais il se trouve que les versions divergent :
- Pour les uns, elle serait principalement autochore, c’est-à-dire qu’elle est capable de provoquer la dissémination des graines par elle-même (ici, une projection sous une action mécanique).
- Pour les autres, elle serait hydrochore, ce qui expliquerait sa forte propension à s’installer aux abords des cours d’eau.
- Pour certains, elle serait myrmécochore, les fourmis auraient alors un rôle important à jouer.
- Enfin pour les derniers, elle serait tout simplement barochore, les graines tombant sous leur propre poids (sous l’effet de la gravité).
Cette diversité de versions me pousse à penser que cette fleur a pu multiplier les stratégies de dissémination des graines. Ajouté à cela, la Lathrée clandestine est soupçonnée d’être insectivore, piégeant la microfaune du sol au niveau de ses racines afin d’en extraire des éléments organiques… Mais je n’ai pas pu trouver confirmation de cette hypothèse. Décidément, en voilà une qui est source d’interrogations et de mystères !
Attention, si vous vivez en Basse-Normandie ou en île de France et que vous tombez sur cette plante, déjà, bravo, vous avez de la chance car elle y est rare, mais surtout pas touche ! Elle bénéficie d’une protection régionale…
1Etamine : organe mâle de la fleur, composé d’un filet (sorte de filament) supportant une anthère à son extrémité, qui contient le pollen. L’organe femelle est appelé carpelle, il est composé de l’ovaire à la base, surmonté du style qui se termine en stigmate (surface permettant la réception du pollen).
2Autofécondation : c’est la fécondation d’un ovule par du pollen issu de la même plante.
3Autogame : se dit d’une espèce végétale capable d’autofécondation.
4Entomogamie : Du grec ancien éntoma (insectes) et gamos (mariage, union). C’est un mode de reproduction des plantes dans lequel le pollen est essentiellement véhiculé par des insectes.
Vous avez trouvé ce sujet intéressant mais vous restez sur votre faim ? Allez plus loin grâce aux liens suivants :
Caractéristiques détaillées, préférences écologiques, illustration, répartition, protection de la Lathrée clandestine… Voici un site de référence en matière de botanique :
http://www.tela-botanica.org/bdtfx-nn-37827-synthese
Pourquoi les feuilles sont vertes chez la plupart des plantes ? :
https://www.science-et-vie.com/article/pourquoi-les-feuilles-sont-elles-le-plus-souvent-vertes-4971
Myrmécochorie :
Curieuse nature 
Incroyable ! Magnifiques illustrations, un bon trait d’humour, et des explications sérieuses et accessibles même au novice, bravo pour ton travail Lisa !
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Super article très intéressant écrit avec humour et précision. Tout ce que j’apprécie
Bravo 👌👍
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