« Abeille solitaire cherche logement pour future famille nombreuse. Entrée dans les locaux, si possible, fin mars » Lisez-vous ce matin dans les petites annonces de votre journal local. Votre tartine de miel manque de tomber au fond de votre café… une abeille solitaire ???
Hé oui ! Les abeilles solitaires ça existe, d’ailleurs c’est même le cas de plus de 80% des espèces d’abeilles !
Voyez plutôt :

La très grande majorité des espèces d’abeilles est dite « solitaire». Elle se distingue ainsi des abeilles « sociales » que l’on trouve dans la famille des Apides et dont fait partie bien sûr l’abeille domestique (Apis mellifera) connue de tous.
Solitaires ou non, toutes les abeilles ont en commun de nourrir leurs larves de pollen et de nectar. Alors concrètement, à quoi ressemble la vie d’une abeille solitaire si elle ne vit pas en société ?
La femelle nidificatrice édifie son nid sans l’aide d’autres femelles et n’a aucun contact avec sa descendance. Celle-ci pondra en moyenne 30 à 40 œufs au cours de sa vie de 4 à 6 semaines. Pour cela, certaines espèces bâtiront des nids « libres » (entièrement construits par la femelle), d’autres creuseront elles-mêmes des cavités dans différents substrats afin d’y déposer leurs œufs. Enfin, celles qui nous intéressent vont occuper des cavités préexistantes dans différents supports (sol, roche, bois et parfois même des coquilles vides d’escargot ! On parle d’espèces hélicophiles)1
Pourquoi celles-ci nous intéressent ?
Elles nous intéressent parce qu’on va pouvoir leur filer un petit coup de pouce. Vous avez peut-être déjà entendu parler des hôtels à insectes ? Le principe est simple : on installe aux insectes de quoi nicher tranquillement sans dérangement, ni pesticides, et en échange, ils nous gratifient de leur présence bénéfique en tant qu’auxiliaires2 du jardin. Auxiliaires les insectes ? Oui, ils ont de nombreux services à nous rendre qu’il s’agisse de la pollinisation3 ou de la régulation des ravageurs4 (voir la coccinelle, le puceron et la fourmi). Parmi ces insectes auxiliaires, les abeilles solitaires sont des pro de la pollinisation, mais elles souffrent de la raréfaction des cavités naturelles ou artificielles pour nicher. Et c’est là qu’on peut intervenir !
Bonne nouvelle pour les jardiniers qui adoreraient accueillir des abeilles solitaires chez eux : il existe une multitude de manière de fabriquer un nichoir et c’est plutôt simple, en voici deux exemples :
Qu’est-ce que j’entends ? Vous n’êtes pas maso au point d’installer un nichoir à abeille à côté de votre table de jardin et risquer de vous faire piquer ?
Je vous arrête tout de suite, les abeilles solitaires ne sont pas agressives ! Seules les femelles possèdent un dard, qui est tout petit et dont elles ne se servent que très rarement. Il paraît même que sa piqûre ne provoquerait quasi aucune douleur. Dernier point : contrairement aux guêpes ou aux abeilles domestiques, elles ne sont pas attirées par la nourriture ou les breuvages sucrés. Pas d’inquiétude, donc, pour la préservation de la convivialité de vos goûters, apéros et autres repas d’extérieur.
Que dites-vous ? Vous avez envie d’aider mais vous n’êtes pas un fou du bricolage ?
Rassurez-vous, j’ai le même problème… Mais mon manque de motivation à m’emparer d’une scie sauteuse et d’un marteau s’est envolé lorsque je suis tombée sur ça.
L’idée avancée par ce blog est d’utiliser des tubes transparents installés à l’intérieur d’une boîte au couvercle amovible ; un moyen ingénieux de s’immiscer discrètement dans la vie intime de ces curieuses abeilles !
Quelques arrachages de cheveux, maladresses et problèmes techniques plus tard, j’installe donc mon nichoir à abeille solitaire dans les conditions optimales :
26 février : mon nichoir est installé, quel enthousiasme !
7 mars : Je ne vois pas l’ombre d’une abeille tourner autour du nichoir, quelle déception
16 mars : Une petite abeille noire et rousse est venue visiter les lieux, serait-il permis d’espérer ?
27 mars : Une araignée semble intéressée par les locaux, elle a construit sa toile dans un coin de la boîte…
5 avril : Toujours rien, pff c’est n’importe quoi ce truc, de toute façon ça marchera jamais, non mais qu’est-ce que je croyais ?? Que 3 pauvres tubes en plastoc dans une boîte pourraient intéresser autre chose qu’une araignée ?
16 avril : Bof, RAS
28 avril : AAAAAAAAAAAAAAH NON MAIS C’EST LE PLUS BEAU JOUR DE MA VIIIIIIIE (sans exagération) ça a marché !!! »
Conclusion : la nature aime bien nous mettre à l’épreuve dans le genre « Patient tu devras être jeune Padawan » mais quand elle consent enfin à faire de vous le spectateur privilégié de ses charmes, c’est un peu comme tomber par hasard sur le Saint-Graal.
Alors, pour que vous puissiez pleinement savourer avec moi cette victoire, il me faut vous expliquer comment les abeilles solitaires procèdent.

Le nid est construit de manière à assurer l’approvisionnement de la future larve au cours de son développement. Ainsi, on y observe une ou plusieurs cellules (ou loges), chacune étant occupées par un œuf accompagné d’une source de nourriture (pollen et parfois nectar).

Les loges sont bâties et délimitées à l’aide de différents matériaux possibles : terre, cailloux, résine, feuilles ou pétales découpées, ciment végétal, etc… Il est même possible de déterminer le groupe d’espèces auquel appartient la femelle à l’origine de la ponte selon le matériau utilisé pour boucher la cavité.
Pour ma part, j’ai eu la chance d’observer et photographier l’abeille qui est venue pondre et aménager des loges pour ses œufs. Puis, j’ai pu confirmer son identité en constatant qu’elle utilisait de la terre pour séparer les loges et boucher l’entrée des tubes : il s’agit de l’Osmie rousse.

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- 28 avril : 3 tubes occupés, 5 loges aménagées (donc 5 œufs pondus)
- 1er mai : 3 tubes occupés, 9 loges aménagées
- 2 mai : 3 tubes, 10 loges
- 3 mai : 3 tubes, 12 loges
- 9 mai : 4 tubes, 16 loges
- 18 mai : 5 tubes, 21 loges donc 21 œufs pondus en tout



Et maintenant, on attend combien de temps ? Après quelques recherches sur l’Osmie rousse, je m’aperçois qu’elle n’émerge pas avant le printemps suivant… « Patient tu devras être jeune Padawan » Entends-je résonner dans ma tête… En fait, le développement depuis l’œuf jusqu’au stade adulte se fait pendant le printemps puis l’été mais à l’arrivée des mauvais jours l’abeille entre en diapause (hibernation) au sein même de sa petite loge de naissance.

Une petite question pratique m’a été posée au cours de cette expérience : comment se fait-il que les abeilles émergentes positionnées le plus loin de la sortie du tube ne se retrouvent pas « coincées au fond » au printemps suivant puisqu’elles ont été pondues en premier ? En effet, la logique voudrait qu’elles aient pris de l’avance dans leur développement. Ce problème n’est pas abordé directement dans la littérature mais en réfléchissant, je pense que la période d’hivernation remet tout simplement les compteurs à zéro.
C’est en cherchant une réponse plus complète à cette question que je suis tombée sur une information assez surprenante. Les Osmies rousses ont en fait la faculté de choisir le sexe de l’œuf pondu. Les œufs femelles sont pondus en premier, il s’agit en fait d’œufs fécondés diploïdes5. Puis c’est le tour des œufs mâles non fécondés haploïdes6 qui sont pondus à la sortie du tube. Les abeilles mâles sortiront donc en premier. Hé oui, le modèle XX et XY pour la détermination génétique des sexes n’est pas valable pour tous les êtres vivants. Chez les Osmies, les mâles sont caractérisés par la présence d’un seul exemplaire d’ADN au sein des cellules contre deux exemplaires chez les femelles ! Aaah, les mystères de la génétique…
Pour finir, je ne suis pas certaine que ces tubes en plastique soient bien adaptés à nos petites abeilles même si l’expérience a plutôt bien marché. Mais je suis récemment tombée sur un modèle qui offre de bonnes conditions pour nicher tout en permettant l’observation des loges.
Définitions
1Hélicophile : Qualifier les espèces d’abeilles nichant dans des coquilles d’escargot vides.
2Insectes auxiliaires : on parle d’organisme auxiliaire lorsqu’il rend un service aux pratiques culturales, en particuliers dans la pollinisation et la régulation des nuisibles.
3Pollinisation : Transport du pollen de l’organe mâle d’une fleur vers l’organe femelle d’une fleur de la même espèce, sur le même pied ou sur deux pieds différents. La pollinisation peut être due a des pollinisateurs comme les papillons, les abeilles, les oiseaux, les chauves-souris mais également au vent ou à l’eau.
4Régulation des ravageurs : diminution des populations de ravageurs (nuisibles). Un auxiliaire de culture peut contribuer à cette régulation par la prédation, ou le parasitisme.
5Diploïde : Organisme ou cellule pourvu(e) d’une paire de chromosomes.
6Haploïde : Organisme ou cellule pourvu d’un seul jeu de chromosomes.
Pour fouiller le sujet et participer aux progrès de la science :
VOIR
Un super documentaire ARTE sur les abeilles sauvages
Des abeilles qui nichent dans des coquilles d’escargot : ICI et LÀ
COMPRENDRE
Article de la revue INSECTES sur les « Nids d’abeilles solitaires et sociales »
Pages détaillées sur chaque famille d’abeilles solitaires
Dossier synthétique de l’ONF (Office National des Forêts) sur les abeilles sauvages
PARTICIPER
L’observatoire agricole de la biodiversité propose le suivi des abeilles solitaires !
Vous aimez prendre en photo les insectes et pourquoi pas les pollinisateurs ? Ce programme de sciences participatives est fait pour vous : le Suivi Photographique des Insectes POLLinisateurs (SPIPOLL)
S’INFORMER
Des faits et des chiffres sur les abeilles sauvages et la pollinisation
Merci Lisa pour ce bel article, toujours agréable à lire, compréhensible et passionnant. J’ai pris tout mon temps pour apprécier le texte et les magnifiques illustrations. Dans mon jardin j’ai de nombreux nichoirs à insectes en bambou, tiges de sureau et et bois… et je verrai bientôt les abeilles sortir car il y a de nombreux tubes bouchés.
J’avais écrit également un petit texte sur les abeilles si vous voulez aller le voir, voici le lien : http://www.pensees-polychromes.com/2016/07/dialogue-avec-une-abeille.html
A bientôt pour une nouvelle merveille. Amicalement. Eve
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Merci Eve ! Très poétique votre article sur les abeilles, une manière attendrissante et légère de remettre un peu les choses à leur juste place 🙂
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Bel article, je vous laisse l’adresse de mon blog . https://secretumhortus.com Bonne continuation.Cordialement Thierry
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bonjour !! j’ai la chance d’avoir une solitaire qui a choisi mon pot de fleurs sur mon bord de fenêtre (sud est, 2ème étage, fleurs bio et mellifères) mais je ne veux pas faire de fausses manoeuvres, notamment avec l’arrosage. Help ! j’espère que vosu lirez mon message MERCI
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Bonjour, si j’ai bien compris vous avez une abeille solitaire qui a pondu dans la terre de votre pot de fleur ? Le mieux je suppose est d’arroser en pluie fine ! Merci pour votre témoignage 🙂
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Bonjour Lisa, et merci pour toutes ces supers explications. Je suis en train d’en construire un . Et je me pausais une question. Votre planche en bois arrière est elle aussi percée pour faire sortir les tubes ?
Merci !
Belle soirée
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Bonjour Emilie ! Merci pour votre commentaire ! Non à l’arrière la planche en bois n’est pas percée, ça évite à l’abeille de faire le boulot de colmatage de ce côté (elles rentrent et sortent du même côté !)
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Merci Lisa. Les tuyaux sont juste posés sur la paroi de la planche de bois et cela tient grâce a leur rigidité c’est ca?
Belle journee
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Bonjour, un des liens n est plus dispo, a savoir le liens sur « un modèle qui offre de bonnes conditions pour nicher tout en permettant l’observation des loges. »
Est il possible de le retrouver?
Cela m interesse BEAUCOUP! Merci
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Emilie, les tuyaux sont légèrement encastrés dans la paroi (nous avons commencé le perçage des trous du diamètre des tuyaux sans percer complètement la paroi du fond) la rigidité des tuyaux fait le reste effectivement…
Courcelles, désolée, je ne retrouve pas l’article auquel menait ce lien, mais il s’agissait plus ou moins de la même chose que le modèle que je propose ici avec les tuyaux transparents et la boîte en bois qui s’ouvrent… A chacun ensuite d’adapter le modèle à son goût et selon ses possibilités.
Si je recommençai, j’essaierai probablement avec des tubes à essai en verre mais c’est forcément plus cher à réaliser!
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Merci beaucoup Lisa pour tes conseils!!
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Bonjour,
Avec des collègues nous nous renseignons pour réaliser des boites pour observer l’installation des larves à osmies. Merci pour vos infos. J’ai néanmoins quelques questions : est ce qu’en perçant simplement des trous dans une buche et en y insérant des tubes à essai et en s’autorisant à les sortir pour observer l’installation des larves cela pourrait-il remplacer une boite en bois ou n’est ce pas concevable puisque l’on perturberait les osmies?
par ailleurs pour votre boite je vais rentrer un peu dans les détails techniques : si le fond fait 12 cm avec l’épaisseur de part et d’autre de la boite les tubes peuvent ils faire 10 cm de longueur ? (si l’épaisseur est de 2 cm il reste 12-4 : 8 cm pour la longueur des tubes).
J’espère avoir été assez claire.
dans l’attente de votre précieuse aide
Merci
Juliette OUTREBON
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Bonjour,
Votre idée de mettre des tubes à essai dans les trous d’une bûche me paraît très bonne, en essayant bien sûr d’y regarder le moins possible ensuite et en envisageant de bien prévoir la taille des orifices (ce serait dommage d’avoir à forcer pour enlever le tube, mieux vaut être le plus doux possible au moment de le sortir pour observer), mais pourquoi pas essayer !
Sinon pour les dimensions des tubes, l’essentiel est qu’ils atteignent les deux côtés, mieux vaut qu’ils soient trop longs que pas assez, ce n’est pas grave s’ils dépassent à l’avant. J’espère avoir bien compris votre question !
Bonnes expériences et bonne journée !
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bonjour
merci pour ces précisions finalement nous allons nous lancer dans la fabrication d’une dizaine de boites pour une dizaine de classes. Affaire à suivre. Encore merci. Juliette OUTREBON
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Merci à vous, je vous souhaite de belles observations et un minimum de soucis techniques !
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Bonjour.
Ca y est j’ai construis le super hotel à osmies. Mais quant est il de son installation…Avez vous des conseils pour l’orientation? Je ne trouve rien à ce sujet. Merci
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Les informations que j’ai trouvé à ce sujet : orientation Sud Sud-Est (ensoleillé)
Si possible à l’abri des intempéries et idéalement à 30 cm de hauteur
Vous pourrez observer quelques allées et venues d’abeilles solitaires (ou parfois de guêpes solitaires) d’ici quelques jours à quelques semaines, puis vous pourrez crier victoire lorsque quelques trous seront bouchés ! Et vous devriez pouvoir observer les amas de pollen et les larves entre chaque cloison avec le modèle de tuyaux transparents
Après il faudra patienter au printemps 2022 pour l’observation de la sortie des nouvelles abeilles
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merci encore une fois !
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Très bel article, expliqué simplement, avec croquis et photos, j’ai eu beaucoup de réponses à mes questions. Cependant, il m’en reste une : depuis 3 ou 4 ans j’ai fabriqué un hôtel à insectes qui fonctionne très bien, toutes les cavités sont en permanence visitées, remplies et obturées, mais faut il intervenir et nettoyer ces cavités afin de préparer de nouvelles pontes ou bien ce sont les abeilles qui s’en chargent ou bien sont elles abandonnées ???
je n’ose pas y toucher …
Merci de m’éclairer sur ce « nettoyage de printemps » .
A bientôt
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Bonjour et merci pour vos retours positifs et vos questionnements,
Malheureusement je ne prétends pas pouvoir y répondre avec certitude n’étant moi-même qu’une relayeuse d’informations et non une « spécialiste » ! Après réflexion et me souvenant avoir lu quelques infos là dessus, je ne pense pas me tromper en disant qu’il est utile de faire un nettoyage au vinaigre blanc par exemple pour désinfecter les loges avec un produit non dangereux pour l’environnement. Cependant, je n’ai jamais procédé moi-même à ce nettoyage et pour cause, je n’arrive pas à éluder la question de quand faire ce nettoyage ! En automne et en hiver, les larves sont en dormance mais elles sont bien là, aux printemps et en été il y a justement de l’activité, des pontes, des naissances, du turn-over d’occupation des niches…Donc je suppose que le mieux et d’aller y mettre le nez en hiver en faisant attention de ne pas déranger les niches occupées…
Je suis désolée c’est une très bonne question à laquelle je n’ai pas encore trouvé de bonne réponse ! ahah si vous trouvez plus d’information de votre côté, n’hésitez pas à nous en faire part ici en commentaires !
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Bonjour à tous…J’ai la même question que Annette…pour le nettoyage des galeries d’osmies dans une bûche…comme il peut y avoir quatre larves à l’intérieur de la même galerie…il serait inapproprié de vouloir reforer pour nettoyer la galerie…et ainsi tuer les larves qui s’y trouveraient..Par contre avec les tubes transparents…on peut voir si ils sont occupés…donc très intéressant pour la continuité de »l’élevage »…Et puis rien n’empêche de placer d’autres bûches…
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